jeudi 22 août 2013

Potosi: l'enfer sous terre

Salut!!

Notre arrivée à Potosi, tard le soir, ne s'est pas faite rondement. On savait que c'était la parade militaire le lendemain dans la ville, mais on n'avait quand même pas réservé parce que 1) on réserve jamais d'avance parce qu'on aime mieux voir l'endroit avant d'y dormir, 2) réserver d'avance = frais, et on est cheaps, 3) on ne peut pas négocier le prix de la chambre et 4) il reste tout le temps de la place de toute façon. Sauf qu'à Potosi la veille d'une parade où tout le pays converge vers la même ville, c'était partout pas mal plein. Après avoir monté un côte tueuse  parce qu'on avait nos gros sacs et surtout parce que Potosi est à 4060 m d'altitude (!), on a d'abord échoué à l'hôtel que nous avait recommandé notre ami Daniel le chauffeur de bus, avant de se rendre compte que ce n'était absolument pas dans nos prix!! Dépités, on s'est fait dire que c'était plein dans un tas d'hôtels avant de se résoudre à aller dans un "alojamiento" plutôt rudimentaire. Au moins c'était pas cher qu'on se disait, mais quand on a vu que la porte de la chambre ne se fermait pas, on s'est dit qu'on devait absolument trouver autre chose! Que la place soit glauque ou sale, passe encore, on a vu pire, mais qu'elle n'offre pas un niveau minimal de sécurité, non. Alors on a marché jusqu'à ce qu'on trouve enfin de la place dans un dortoir d'une auberge finalement assez bien!

Comme on avait coordonné notre venue à Potosi avec la parade militaire, on s'est donc levés tôt le lendemain pour être sûrs de ne rien manquer. C'était sans compter avec la loi de Murphy! En effet, ce fut une journée de poisse! Voici pourquoi:
1- D'abord, il fallait aller sortir de l'argent au guichet automatique, opération généralement simple en Bolivie. Sauf que cette fois, pour une raison inexpliquée, l'argent est sorti du compte mais n'est jamais sorti physiquement du guichet!! Cette situation fort désagréable nous obligeait à appeler Visa pour annuler la transaction.
2- Néanmoins, comme on était jour férié, trouver un téléphone pour appeler au Canada n'a pas été facile. Finalement, on a échoué au Entel (le Bell bolivien) où on a tenté d'appeler au numéro à frais virés que nous avions.
3- Sauf que expliquer le concept de numéro à frais virés aux employés du Entel a été vraiment ardu, parce qu'ils voulaient vraiment qu'on paye nous-mêmes à la cabine. Finalement, une madame bien aidante (mais qui avait une sévère extinction de voix) a trouvé un numéro sans frais de Visa en Bolivie, auquel on a pu appeler pour qu'ils nous donnent un numéro sans frais de Visa international, qui nous ont enfin mis en communication avec Visa Canada, qui nous a transféré à Visa Desjardins, et qui nous a transféré au service à la clientèle voyage.Tout ça pour se faire dire que la transaction avait déjà été annulée par la banque bolivienne!
4- Après, on est allés vers la parade militaire et on est arrivés en retard. Chanceux dans notre malchance, on a tout de même pu voir le président bolivien, le fameux Evo Morales, au loin sur un cheval!
5- On vous a dit qu'on était en retard, ce qui voulait dire qu'il ne restait presque plus de bonnes places pour voir (il y avait des gens qui avaient campé la veille pour être sûrs d'être aux premières loges). En se frayant un chemin dans la foule dense, François s'est soudainement aperçu que le petit sac à dos que Mémé transportait était ouvert! Quelqu'un avait essayé de nous voler! Comme on a un système de fermeture avec mousquetons qui rend  compliqué l'ouverture du sac, c'était clair que quelqu'un avait volontairement fouillé dans le sac alors qu'on était arrêtés dans la foule! Heureusement, la pochette que le voleur a réussi à ouvrir ne contenait rien d'intéressant pour lui, et il s'est rabattu sur notre vieux paquet de gomme dans lequel il ne restait que deux gommes! Bien fait pour lui haha!
6- Notre recherche de place par la suite fut très fastidieuse. Après 45 minutes, on a finalement grimpé sur une clôture où on est restés en équilibre précaire pendant toute la parade (i.e. 5 heures!). Par contre, on voyait très bien!
7- Parce que tout allait si bien, ça a pris une bonne heure et demie d'attente avant que la parade ne commence réellement, parce qu'on n'avait pas compris qu'il y avait 2h de discours après le passage d'Evo! On ne voulait pas non plus partir ailleurs pour ne pas perdre nos places de choix, alors on est restés agrippés à notre grille pendant tout ce temps-là!
8- Quand la parade a enfin commencé, on a réalisé avec horreur que notre appareil photo n'avait plus de piles même si on l'avait rechargé la veille! On a compris plus tard que le chargeur universel qu'on avait amené (celui du Ipod) n'était pas compatible avec la caméra...
9- Mémé a également commencé à avoir des crampes à cause de l'altitude, toujours plaisant lorsqu'on est suspendu à une clôture!
10- De l'autre côté de la grille, il y avait aussi des gens qui, plus chanceux que nous, avaient des places assises dans des gradins. Parmi ces spectateurs, il y avait un enfant qui avait une vessie hyperactive et qui a décidé, à plusieurs reprises, de se soulager à travers la clôture. Toujours plaisant d'avoir un jet de pipi à un décimètre de la jambe!
11- Pour couronner le tout, il ventait et faisait froid comme jamais.

Malgré tout, àa valait la peine de voir la parade! Au début, une centaine d'organisations sociales (syndicats, administrations, groupes de femmes,  etc.) de tout le pays ont défilé, revêtus de leurs plus beaux habits traditionnels. Juché dans un arbre près de nous, il y avait un gars qui semblait en avoir après plusieurs des groupes, et qui n'arrêtait pas d'insulter les gens qui passaient... Notre voisin de clôture semblait exaspéré par ce comportement, et s'est excusé en nous disant que quand le défilé avait lieu à La Paz, les gens étaient beaucoup plus civilisés!

Les organisations civiles ont défilé pendant 1000 ans, puis sont enfin arrivés les militaires, avec leurs fanfares et leurs plus beaux habits. Le bruit n'a pas empêché un chien de faire la sieste au beau milieu de l'espace réservé à la parade, malgré les tentatives de la police militaire pour le chasser (il revenait tout le temps)! Ça a commencé par le défilé de la marine bolivienne. Parce que oui, même si la Bolivie n'a pas accès à la mer, il y a une marine nationale qui s'entraîne sur le lac Titicaca! Le thème de l'accès à la mer est politiquement et émotionnellement chargé en Bolivie: les Boliviens en veulent à mort au Chili de leur avoir enlevé, à la fin du XIXe siècle, leur unique accès à la mer, et réclament depuis lors le retour de leur province maritime perdue. Après la marine (et leurs chaloupes de guerre), ce fut au tour de l'aviation. Ça c'était impressionnant parce la ville était alors survolée à basse altitude par des chasseurs de l'armée de l'air! Ensuite sont passés les légions de militaires de l'infanterie. Après un temps, on était cependant tannés alors on est revenus vers le centre en tentant de trouver une resto ouvert: il en allait de la survie de Mémé, qui allait autrement tomber d'inanition!

Dans le resto de grillades où on a finalement mangé, le bar à salade a sauvé la vie de Mémé alors que la santé de François a été compromise par son poulet insuffisamment cuit... La fille du resto ne semblait rien comprendre quand il a tenté de demander à ce qu'il soit davantage cuit, et a tout simplement choisi d'ignorer ce qu'il disait, obligeant François à aller directement en jaser avec le maître-grilladeur qui s'est exécuté sans problème.

L'attraction la plus courue de Potosi, c'est la visite des mines qui ont fait la richesse de la ville depuis l'époque coloniale. Les mines sont toujours en activité mais il est possible de voir, par le biais d'un tour organisé, l'environnement infernal dans lequel les mineurs travaillent quotidiennement. Naturellement, ça implique de choisir parmi les milliers d'agences qui proposent le même tour... Comme c'est potentiellement dangereux comme visite (un ami de François s'était blessé lors d'une visite précédente avec une mauvaise agence, et la montagne qui abrite la mine est un gruyère pouvant potentiellement s'effondrer à tout moment tellement le creusage des galeries est anarchique), il faut aussi en choisir une qui offre un certain standard de sécurité. On a donc magasiné plusieurs agences en posant toutes les questions inimaginables avant d'arrêter notre choix sur "Los amigos de Bolivia", qu'on vous recommande si vous allez dans les mines. Après avoir réservé notre tour, on a fait des réserves de bouffe pour le lendemain (de quoi survivre à un éboulement potentiel, tsé). L'une des tiendas qu'on a faites était plutôt cocasse. Celle qui nous servait était une vieille dame sourde comme un pot, qui ne comprenait rien quand on demandait les prix et nous hurlait le nom d'autres produits au hasard dans l'espoir de tomber sur ce qui nous intéressait!  Un frugal souper de soupe en sachet a mis fin à cette journée de poisse....

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Aparté sur les effets de l'altitude

La Bolivie, c'est haut. Dans l'altiplano (le plateau situé entre le top des Andes et le bas de la cordillère, l'altitude tourne autour de 3500-4000m, ce qui est bien suffisant pour avoir quelques symptômes du mal des hauteurs. En voici quelques-uns:

- Bouche sèche (parce qu'il manque d'air, on a le nez bouché et on respire donc plus souvent par la bouche)
- Nez congestionné
- Maux de tête (expérimenté en particulier par François)
- Maux de ventre (expérimenté en particulier par Mémé)
- Fourmis dans les extrémités (François en a aussi autour de la bouche, c'est ben bizarre)
- Essoufflement disproportionné avec l'effort physique fourni
- On dort mal parce qu'on a le nez bouché et qu'on cherche notre air
- Saignement de nez ou caillots de sang quand on se mouche

Bref, quand on file pas, on a pris l'habitude de tout mettre sur le dos de l'altitude!
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Après le déjeuner très boboche fourni par l'hostel (au moins on volait du pain pour nos collations d'avant-midi!), on s'est préparés mentalement au pire dans la mine (genre un remake des 33 mineurs chiliens). Une fois à l'agence, on a rencontré nos 4 compagnons français d'une 60aine d'années, qui étaient vraiment sympathiques! Il y avait aussi d'autres touristes avec un autre guide, dont 2 Allemands qui font le tour de l'Amérique du Sud dans leur camping car.

On s'est d'abord arrêtés au pied du Cerro Rico, la montagne qui est pratiquement dans la ville et où toute l'activité minière (argent, zinc, étain...) se concentre. La visite débute par le marché des mineurs, qui vend tout ce dont les mineurs ont besoin pour leur journée de travail:
- Feuilles de coca: un essentiel pour combattre l'altitude (4200m), se garder éveillé et ne pas avoir faim durant toute la journée car les mineurs ne mangent presque pas. Ils s'en servent aussi pour faire des offrandes au Tio, une représentation du diable à l'intérieur de la mine censée aider les mineurs dans leur quête de minerai!
- Alcool à 97%: pour les offrandes à la Pachamama (pour éviter les accidents) et au Tio, parce que s'il est saoul, il n'aura pas envie de faire des blagues, comme créer des éboulements. Les mineurs sont très superstitieux, mais ça se comprend vu les conditions dans lesquelles ils travaillent1
- Cigarettes: pour donner au Tio
- Dynamite: c'est ce qui coûte le plus cher, mais qui est le plus utile parce que la roche est parfois très dure. Lorsqu'ils l'utilisent, il le font le soir, juste avant de partir car ça produit beaucoup de poussière, qui a le temps de retomber avant leur retour le lendemain.
- Galettes, biscuits et boisson gazeuse: l'essentiel de leur alimentation pour la journée.
Chaque touriste peut acheter un sac qui contient tout ça, pour donner en cadeau aux mineurs qu'on croise dans les mines.

Ensuite, après avoir revêtu notre équipement de mineur (casque avec lumière, bottes de pluie et survêtement étanche), on s'est rendus aux mines en tant que telles, où la guide nous a raconté qu'il y avait eu 8 millions de morts du 16e siècle au 18e siècle. Les décès  furent grands chez les autochtones, les premiers mineurs du site, mais ce fut pire lorsque les Espagnols amenèrent des esclaves noirs en tant que main d'oeuvre. Comme les Africains n'étaient pas habitués à l'altitude, ils mouraient comme des mouches... De nos jours, il y a 1 accident par jour et 3 morts par mois chez les mineurs. Ce sont des coopératives qui gèrent la mine, donc chaque mineur a son emplacement qui lui appartient, et sa famille est compensée s'il décède. Et l'espérance de vie des mineurs n'est pas longue: 40-50 ans, puisque tous meurent éventuellement de la silicose ou d'autres maladies pulmonaires en raison de la poussière qui encrasse leurs poumons.

Lorsqu'on entre dans la mine, il fait noir, froid et humide, et malgré les murs consolidés avec des pierres coloniales, c'est déjà assez glauque...! Ensuite, le tunnel devient moins beau, le plafond est  plus bas, les murs  plus étroit, des rondins parfois cassés étançonnent la galerie encombrée de tuyaux d'air comprimé. Plus on s'enfonce dans la mine, plus il fait chaud, moins il y a d'air, plus il y a de gaz toxiques (arsenic, etc.), plus il y a de poussière en suspension dans l'air. Il faut porter un masque pour se protéger, ce qui rend la respiration encore plus difficile. En raison du manque d'air, de la poussière et de l'altitude, de petits efforts, comme monter sur une échelle pour passer d'un niveau de la mine à l'autre, deviennent vraiment difficiles. Et encore, nous n'avons visité que les galeries les plus faciles d'accès, les mineurs travaillant surtout au plus profond des mines là où il fait 45 degrés, sans masque en raison du manque d'air...

Au cours de notre tour, on a d'abord rencontré un mineur qui creusait la roche avec un marteau et un burin. François a pu l'essayer: disons que même creuser un trou suffisamment large pour y mettre un bâton de dynamite prend un temps fou! Ensuite, au croisement de deux galeries, on a aussi croisé un vieux mineur de 51 ans, qui travaillait depuis 40 ans dans la mine! Enfin, on a pu aussi voir la statue du Tio, couverte d'offrandes. Mémé a aussi trouvé une roche qui contenait, selon la guide, un bon taux d'argent. Seulement, 50 kilos de ce type de roche riche en minerai s'échange pour 50 bolivianos: 7$.... Les mineurs extraient donc jusqu'à 2 tonnes de roche par jour pour rentabiliser leurs efforts (souvent 12h de travail), en poussant leur butin sur un chariot sur rail des profondeurs de la mine jusqu'à l'extérieur...Bref, un vrai travail de damné, dans des conditions infernales, chaque jour. Après  2h dans la mine, on était contents d'en ressortir!

En sortant, on est allés manger une milanesa trop grasse au marché de la ville, on a acheté nos billets de bus pour Uyuni puis on s'est écroulés de fatigue et on a dormi 2h. L'altitude, l'adrénaline et les efforts dans la mine ont eu raison de nous! Réveillés en fin d'après-midi, on a visité les coins de la ville qu'on n'avait pas encore vu, notamment les nombreuses églises richement dotés du coin. En fait, les mines d'argent du Cerro Rico ont rendu riche Potosi durant l'époque coloniale,  en faisant une ville remplie d'églises et de beaux bâtiments (sauf qu'aujourd'hui, c'est plus pauvre et Potosi n'est plus que le reflet de sa splendeur passée) . On a aussi voulu  aller visiter la Casa de la Moneda, là où ils frappaient la monnaie auparavant, mais c'était fermé. On a quand même pu observer dans la cour intérieure la sculpture grimaçante de Bacchus qui y accueille inexplicablement les visiteurs et qui est désormais un symbole de la ville. Après une bonne balade, on s'est mis en tête d'aller dans un resto végétarien qu'on avait aperçu plus tôt. L'endroit était minuscule et il ne restait de la place qu'à une table qu'occupaient déjà 2 personnes. On a socialisé avec eux, c'était un Argentin et une Espagnole qui venaient tourner un documentaire sur les mines de Potosi et qui se rendaient éventuellement au Brésil afin de s'établir là-bas. Le souper a été très agréable en leur compagnie, et on est ensuite allés prendre une bière avec eux.

On partait le lendemain pour Uyuni, et on est donc descendus vers la gare où on a croisé le plus beau spécimen de chien-moppe qu'on ait jamais vu! Après une course pour trouver des salteñas (des genre d'empanadas à la viande, aux patates, aux oeufs et aux olives avec une sauce mystérieuse) dont les meilleures sont à Potosi à ce qu'il parait, on est montés dans notre bus.

C'est maintenant l'heure de jouer à "Je vais à Uyuni, j'amène  avec moi...."! Voici ce que certains passagers trimbalaient avec eux jusqu'à cette ville perdue, voyez si vous vous reconnaissez!:

- Une bonbonne de propane (peut-être pleine, on ne sait pas)
-Une étagère
- Un matelas
- Six boites d'un kilo chacun de lait en poudre

Le tout en plus des habituelles caisses recouvertes de bâches en plastique et contenant je ne sais trop quoi...

Comme les autres compagnies de bus de Bolivie, la nôtre présentait bien sûr un film. On a eu droit aux deux films de "Maman j'ai raté l'avion" tout en regardant les paysages magnifiques défiler jusqu'au désert d'Uyuni!

Que les vaya bien!!!

2 commentaires:

  1. J'espère que vous vous acclinatez à l'altitude; 4000 mètres, ce n'est pas rien... C'est aussi inquiétant que les profondeurs des mines. Si vous avez des maux de tête que l'acétaminophène ne règle pas, avec vomissements, confusion, perte d'équilibre, redescendez vite, svp!

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  2. Quelle super littérature! Je me suis régalée de vos aventures, pas du tout banales. Le ton léger pour dire des peurs et des mésaventures me plaît aussi. Description des lieux, anecdotes extra !
    Bravo pour vos découvertes par la marche...c'est du courage, une volonté sérieuse.
    Y'm'semble que vous mangez souvent...??? Je dis ça parce que cet aspect du voyage m'intéresse moins... mais bien sûr, c'est plutôt important!
    La mère en moi vous dit: restez prudents! Et continuez...

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