Le jour de notre départ vers la Guyane française, j'ai fait ma princesse alors que François s'est levé courageusement à 5:15 pour aller réserver nos places de l'autobus public vers Albina, la ville d'où on traverserait la frontière pour aller en Guyane française. Je n'ai malheureusement pas pu bien dormir pendant ce temps-là parce que j'imaginais François marcher seul dans les rues et se faire battre ou kidnapper, alors moi la veuve éplorée je devrais partir à sa recherche, et pire que tout, rater l'autobus vers Albina! François est finalement revenu sans problème (et nos billets -enfin nos numéros nous assurant un billet- en poche) vu qu'un chien l'a adopté et a été son chien de garde tout au long du trajet, au grand déplaisir de François haha! Après s'être recouchés un peu juste pour dire, on a dit au revoir à notre bel hôtel!
L'autobus public était moyennement moche mais son plus grand problème était de contenir 3-4 personnes qui n'ont pas cessé de hurler et pouffer de rire super fort tout au long du trajet... Mise-à-part la dame qui a fait attendre l'autobus pour faire je-ne-sais-quoi pendant 10 minutes chez quelqu'un, le trajet s'est fait sans rien de particulier. Arrivés à Albina, on s'est fait prendre d'assaut par les piroguiers qui font la traversée de la rivière qui sépare les deux pays. On dirait qu'ils ont toujours la même tactique (comme les taxis, les agences de voyage ou les changeurs au noir...): tout le monde t'entoure et te propose ses services ou certains te tirent pour que tu les suives. On dirait que leur but est que tu n'aies pas le temps de réfléchir! Alors on essaie de s'éloigner le plus vite possible, pour revenir quand on sera prêts (même si des fois on se laisse entraîner dans le tourbillon). Ici,on avait pas le choix de traverser en pirogue parce qu'on avait raté le traversier public, mais on voulait d'abord faire étamper notre passeport, puis aller dîner pour profiter une dernière fois du coût raisonnable de la bouffe surinamienne et finalement échanger les $ du Surinam qui nous restaient. Par contre, alors que dans plusieurs des derniers pays qu'on a fait on pouvait aller et venir à notre guise dans le village-frontière même une fois étampés, ici on nous a formellement interdit de retourner dans la ville... On n'était pas très contents, surtout parce que personne en Guyane française n'allait vouloir nous donner des précieux euros contre des $ du Surinam... En plus, le guide recommandait de demander aux douaniers de nous conseiller quel piroguier prendre vu que parfois ce n'était pas trop sécuritaire mais ils n'ont pas su nous aider finalement... De toute façon, il n'y avait que deux pirogues (les deux sans aucun gilet de sauvetage) accostées au quai derrière les douanes. On a fait un arrêt dans un plus grand quai pour récupérer d'autres passagers puis on est partis sans problème vers l'autre rive. Les piroguiers sont, dans mon échelle personnelle, maintenant classés dans la même catégorie que les chauffeurs de taxi. Au moment de payer (en $ du Surinam), ils n'avaient pas de change, alors ils nous l'ont donné en euro. Ça nous arrangeait au fond, mais ils nous ont donné beaucoup moins que ce que ça aurait dû être en réalité. Comme je lui répétais qu'il ne nous avait pas assez donné, il a coupé court à la conversation en sautant dans la pirogue et en s'éloignant avec un grand sourire narquois... Je l'aurais donné en pâture aux pirhanas croyez-moi!
Quand on franchit le fleuve Maroni qui sépare le Surinam de la Guyane française, on arrive dans la petite bourgade de St-Laurent-du-Maroni (SLM pour les intimes) et on est officiellement en Europe, malgré la forêt amazonienne! Enfin,techniquement: puisque la Guyane française est un département de France, on est donc dans l'Union européenne en plein coeur de l'Amérique du Sud! Une fois les douanes passées, on a marché vers le centre de Saint-Laurent, c'est-à-dire pas trop loin vu que cette ville est minuscule! Après avoir retiré des euros, on a mangé dans un petit resto chinois, en se liquéfiant tellement il faisait chaud! Ça faisait bizarre de parler français partout! Le reste de notre après-midi était chargé. En effet, François avait une entrevue sur skype le lendemain midi avec le directeur du département Asie-Pacifique au Ministère des Relations Internationales du Québec pour un stage en janvier! Il fallait donc tout préparer pour s'assurer que ça se passe bien, ce qui signifiait:
1. Acheter une carte SIM pour être rejoignable en cas de pépinavec skype
2. Trouver du wifi (prononcez "weefee" parce qu'on est en France ici) pour demander à mon père d'appeler sur le cellulaire pour vérifier que le numéro fonctionne à partir du Canada.
3. Envoyer en vitesse le numéro à l'interviewer de François
4. Partir vers la ville de Kourou parce que c'est la conclusion à laquelle on était arrivés pour perdre le moins de temps possible dans notre séjour dans la dispensieuse Guyane
5. Trouver un café internet adéquat pour une entrevue (ie. sans pré-ados qui hurlent en jouant à Star Craft)
6. Tester la connexion et la caméra du café internet avec mon père, fidèle allié
Ça a commencé à aller mal à l'étape... #1... On a appris qu'ici, les magasins (sauf les "chinois", les épiceries-dépanneurs qui sont tous tenus par des Chinois), ferment tous de 13:00 à 16:00, parfois même 16:30!!! La ville est morte pour presque tout l'après-midi!! On voyait bien que le magasin de cellulaire était fermé alors on a fait le tour des "chinois" pour voir s'ils vendaient des cartes SIM. "Non, il faut aller chez Digicel ou Orange, ça ouvre à 16:00". Rah!! Comme on voulait envoyer le numéro le plus vite possible (l'entrevue était le lendemain tse), c'était plus intelligent de rester à Saint-Laurent pour acheter la carte dès 16:00 plutôt que de partir vers Kourou. Problème: les hôtels sont super chers à Saint-Laurent! Assis sur le trottoir, on se demandait bien ce qu'on allait faire. Notre mine dépitée a attiré l'attention d'une fille qui attendait un ami au volant de sa voiture. "Je peux vous aider?" On raconte l'histoire, elle est toute énervée qu'on vienne du Canada, et elle nous propose d'aller nous mener à un centre d'achat un peu plus loin où le Digicel est peut-être ouvert. Rendus là, on voit que c'était aussi fermé... Tous ensemble on essaie de trouver une solution, elle nous invite chez elle mais elle habite à 50km d'ici et comme il n'y a pas d'autobus, on resterait pris là-bas... Bref, on savait encore moins quoi faire! Elle nous a déposé devant un hôtel et un café où elle savait qu'il y avait du wifi. On est allés voir à l'hôtel: pas de chambre à moins de 75€, en plus ça avait l'air moche...Découragés, on est passés au café-bistrot voisin et on est tombéssur notre sauveur:
- Sauveur: "oui le wifi est super bon ici, tout le monde l'utilise pour skype. On est ouverts demain midi alors vous achetez un jus et vous restez le temps que vous voulez!"
- Moi: "et est-ce que tu connais une place pas trop chère pour dormir à Saint-Laurent?"
- Sauveur: "oui il y a un carbet à 10€ la nuit juste à côté d'ici, tiens je te montre sur la carte"
Bon, on avait au moins quelque part où dormir et un endroit avec wifi!
Les "carbets" sont une merveille en Guyane française parce que c'est le seul moyen de se loger sans défoncer son budget. C'est un toit installé dans la cour de quelqu'un sous lequel on accroche son hamac! L'endroit qu'il nous avait recommendé était vraiment très bien, tout était super propre. Le proprio (qui venait de la métropole, ie la vraie France, mais n'allez pas dire ça aux Franco-guyanais parce que pour eux ici aussi c'est la vraieFrance!) était bien sympa quoique très cynique et ne voulait plus arrêter de nous parler de tout et de rien (bref, il était Français!).Il a aussi gentiment accepté qu'on paie en $ du Surinam vu qu'il y allait de temps en temps pour faire des achats. On a mis fin à la conversation à 16:00 pour aller finalement acheter la carte pour le cellulaire. Ça s'est fait sans problème et en plus il y avaitun café internet à côté!
Au café internet, on a pu tester le numéro à partir du Canada et l'envoyer au potentiel futur employeur de François. L'option de faire l'entrevue à partir des ordis du café internet était meilleure que celle de la faire sur mon ipod avec du wifi parce que ma caméra n'est pas la meilleure. Mais l'entrevue débutait à 12:30 pour nous et le café internet fermait à 13:00... Ce n'était donc pas une meilleure option finalement vu qu'on ne savait pas combien de temps allait durer l'entrevue... Finalement, on s'est rendus au café-de-notre-sauveur pour tester la connexion wifi.Malheureusement pour nous, son quart de travail devait être terminé et en lieu et place travaillait la dame la plus bête que j'aie jamais rencontrée! De loin. Elle refusait qu'on s'asseoit ailleurs que sur la terrasse bien qu'on ait expliqué que demainpour l'entrevue on aimerait faire un appel de l'intérieur du café pour ne pas entendre les bruits de la rue et qu'on voulait être certains que le wifi se rendait bien. Elle nous a regardé comme si on était les derniers des crétins quand on lui a dit qu'on voulait tester la connexion wifi, un peu plus et elle nous envoyait carrément chier. Si c'est ça l'attitude chiante des Parisiens, c'est loin de donner envie d'y aller!! De toute façon, on a réalisé que l'entrevue aurait lieu en plein dans l'heure du dîner, il y aurait donc probablement trop de bruit autour pour faire une bonne entrevue... Bref, l'option café-bistrot venait pas mal de sauter...
On est revenus au carbet déprimés, et on a demandé au proprio s'il accepterait de nous donner le code de son wifi pour qu'on fasse l'entrevue le ledemain. Il a dit oui mais il n'est jamais venu nous le mener. On a fini par comprendre qu'il allait nous prêter son ordinateur portable! Bref, tout était probablement arrangé, il ne nous resterait qu'à tester la connexion demain un peu avant l'entrevue...
C'était peut-être un peu ardu comme description de journée, je m'en excuse! Mais ça vous montre un peu à quel point des fois rien ne semble fonctionner en voyage. On a beau faire des efforts (ex: arriver le plus tôt possible à Saint-Laurent), il se passe toujours quelque chose hors de notre contrôle ou auquel on aurait jamais pensé (ex: les magasins ferment l'après-midi)... C'est à cause des imprévus comme ça qu'on n'arrive pas à planifier d'avance nos voyages. Certains voyagent en ayant planifié des semaines d'avance (autobus, hostel, avion...), je sais vraiment pas comment ils y arrivent!! On a parfois de la difficulté à prévoir où on va dormir le soir-même! C'est aussi pour ça qu'on n'a pas fait de Couch Surfing dans le voyage. Pourréussir à trouver une place où dormir, il faut contacter la personne plusieurs jours d'avance, d'autant plus que si la première personne refuse, il faut se laisser du jeu pour en contacter d'autres! C'est dommage parce qu'on aurait bien aimé en faire mais je dirais que ça devient plus stressant comme façon de voyager parce qu'il faut planifier d'avance et s'assurer d'être là au rendez-vous! Probablement que si on voyageait beaucoupplus lentement (en restant plus longtemps à la même place) ce serait plus facile. En tout cas, chapeau à ceux qui arrivent à faire ça!
Avec tout ça je ne vous ai même pas parlé de Saint-Laurent-du-Maroni! C'est une petite ville (mais une des principales du pays, enfin du département) située sur le bord du fleuve Maroni (dah). Je vous avoue qu'on s'attendait à arriver en France (côté architecture, propreté, richesse...) mais non. Vraiment pas. Même si c'est la plus riche des trois Guyanes, on ne peut pas dire que ça paraît d'emblée dans les rues! C'est une ville qui se rapproche plus des Guyanes (mais avec une architecturecoloniale différente) mais ce n'est pas l'Europe non plus. Il y a deux rues principales qui mènent à l'église et des petites rues qui gravitent autour. Sinon, il y a un ancienne prison que les Français utilisaient du temps où la Guyane servait de bagne pour la France et qu'on peut maintenant visiter. Et c'est pas mal ça: il n'y a pas grand chose à faire, bien que l'architecture des vieilles bâtisses coloniales (souvent décrépites) soit intéressante à regarder!
On a soupé avec un bon sandwich dans du vrai pain baguette (!) acheté dans une cantine à l'intérieur d'une camionette, ces popottes-roulantes prenant les rues d'assaut le soir venu. On est revenus au carbet où on a croisé notre comparse de hamacs qui y habitait depuis deux mois. Puis on a passé la soirée au café-de-notre-sauveur pour faire quelques courriels. C'est là qu'on a pu voir qu'on était malgré tout en France: 3$ pour le minusculement petit chocolat chaud (et c'était le moins cher du menu). Les Franco-guyanais ont le pire des deux mondes: des services un peu boboches (par rapport à la France) vu que la France ne veut pas trop y investir à part pour le Centre spatial, mais un coût de la vie aussi élevé que la France sinon plus vu que beaucoup de produits (voire tous) sont importés... Ceux qui viennent de la "métropole" s'en sortent bien car ils ont souvent de meilleursemplois (en plus d'une prime d'éloignement parfois) mais les Franco-guyanais de souche ont plus de difficultés à joindre les deux bouts... Par contre, la faune du café-bistrot nous a aussi montré qu'on était en France, même sous la chaleur amazonienne: pressions, demis, andouillettes, cigarettes en continu, client et garçon de café qui s'engueulent parce que le premier réclame un verre droit pour son cognac... Bref, on est bien en France!
En revenant du café, on ne peut pas dire qu'on se sentait dans un bon quartier de Paris par contre: ivrognes couchés sur le trottoir, prostituées, gars louches qui marchent dans le noir, rues vides... Disons qu'on marchait les fesses serrées et qu'on aurait bien pris un taxi! Mais il n'y a pas de taxi!! C'est bien le premier pays qu'on fait où il n'y a pas de taxi! Il y a décidément un problème en GF en ce qui concerne les déplacements sans avoir à s'acheter d'auto...
On est revenus sains et saufs au carbet. La nuit n'a pas été trop pire (autant qu'on peut le faire dans un hamac) mais mon hamac s'est mystérieusement déserré durant la nuit et j'ai fini par dormir sur le sol!
L'avant-midi suivant, jour d'entrevue, a été assez relax (dans le sens où on a pas fait grand chose, pas que Franco était relax hihi). On a testé la connexion skype en parlant avec mon père, François a revêtu ses plus beaux atours (i.e. la chemise achetée à Paramaribo) et on a tout prévu (verre d'eau, mouchoirs, papier-crayon, cellulaire, pompe pour l'asthme, shot de morphine, epipen... Tse juste au cas où...) J'ai fait un pacte de silence pour les 30 prochaines minutes avec le perroquet familial et les enfants de la belle-soeur qui habitent à côté; on était fin prêts.
Et puis, roulement de tambour, tout s'est passé à merveille!! Après avoir discuté un peu de notre voyage, François a appris: "écoute, je t'avoue que je reçois souvent des courriels d'étudiants qui veulent faire un stage chez nous, mais c'est plutôt rare que j'y donne suite. Ta candidature est excellente, c'est exactement cequ'on recherche! Donc on serait prêt à te prendre comme stagiaire en janvier, si ça t'intéresse toujours."
De loin, je voyais François trépigner de joie sur sa chaise etj'écoutais tout ça en ayant la bouche ouverte tellement c'était merveilleux! Il restait à vérifier avec les ressources humaines du Ministère, d'ici deux semaines il aurait des nouvelles. On a sauté de joie un bon moment puis on a attendu le taxi collectif vers Kourou que le proprio du carbet avait su nous dénicher pour après l'entrevue.
Sur cette bonne note, je vous laisse!
Ça vous fera quelques bons souvenirs de GF: des Français sympas, de vraies baguettes, une entrevue trop facile... Peut-être qu'un jour vous serez prêts à affronter l'idée d'un voyage en France!
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